Très peu d’information est disponible dans la littérature sur la Curlone®. Une analyse de sa composition chimique serait pourtant bienvenue afin de savoir par exemple si des produits déchlorés détectés dans l’environnement antillais sont véritablement le fruit de processus de dégradation de la chlordécone (CLD) ou correspondent à des impuretés de synthèse l’accompagnant. De la même façon, toutes les études épidémiologiques se sont focalisées sur la seule CLD sans considérer les éventuels synergismes de toxicité dus à la présence d’impuretés. Afin de palier à ce manque d’information, en 2016, nous avons pu analyser la composition de 3 échantillons de Curlone® qui ont permis de mettre en évidence que pas moins de 23 composés organiques étaient présents dans le produit en plus de la CLD (Macarie et al., 2016). A côté de la composition chimique organique de la Curlone® d’autres paramètres comme la taille des particules qui la composent ou la nature du matériel minéral ayant été utilisé pour diluer la CLD manquent cruellement aux experts chargés d’évaluer à postériori le risque d’exposition des ouvriers qui appliquaient le produit en vue d’une reconnaissance de maladie professionnelle. Pour ce qui est de la charge minérale de la Curlone®, plusieurs informations contradictoires circulent. D’après l’ancien directeur du groupe Calliope qui la fabriquait, il s’agirait de CaCO3 sous forme de Durcal® (broyat de marbre) produit par la société Omya, mais d’autres sources suggèrent qu’il pourrait s’agir de talc ou de kaolin (Wales, 1962; Letchimy et Benin, 2019) Les mesures de granulométrie réalisées sur 6 échantillons de Curlone® provenant de sacs indépendants indiquent que ce matériel était constituée par de petites particules de taille moyenne comprise entre 42 et 56 µm, 50% des particules ayant même une taille inférieure à 14.6 µm et 10% à 1.35 µm. Avec cette granulométrie, il n’est donc pas étonnant que d’après un témoignage, les masques à 2 cartouches portés par les applicateurs se soient bouchés en moins d’une heure d’application du produit (Christian Chabrier, chercheur au CIRAD, communication personnelle). A noter que nombre de personnes qui l’appliquaient à l’époque ne disposaient pas d’un tel équipement de protection. D’après la même source, les particules de Curlone® volaient autour des applicateurs qui finissaient les chantiers couverts de poussière blanche, laquelle réussissaient à s’immiscer sous les vêtements. Nos mesures et ce témoignage suggèrent donc que les applicateurs étaient largement exposés par inhalation comme par voie cutanée. Les spectres infrarouges de ces mêmes échantillons de Curlone® se sont révélés très similaires avec de petites différences d’intensité probablement dues à des contenus en eau différents. Les 3 pics caractéristiques du CaCO3 ont été retrouvés à 1387, 870 et 712 cm-1 dans chacun des échantillons. Des pics caractéristiques du kaolin y ont toutefois aussi été retrouvés à 3693, 3620, 1166, 1154, 1108, 1030, 1005, 793 et 752 cm-1. Les principaux pics caractéristiques du talc étaient par contre absents à 963, 666, 546 et 506 cm-1. Ce résultat suggère que la charge minérale de la Curlone® correspondrait donc à un mélange de CaCO3 et de kaolin.